Article de BORJA VILASECA paru dans le quotidien El Pais dimanche 04 juillet. Traduit par Isabelle André
"La folie, c'est de faire toujours la même chose et d'espérer un résultat différent" A. Einstein.
Si vous êtes directeur général, s'il vous plaît, lisez les lignes qui suivent, mais n’en croyez rien. Dans la mesure où cet article vous paraît utile et intéressant, nous vous invitons à vérifier toute l'information qui est détaillée à travers votre propre expérience. Par ailleurs, cet article ne pourra attirer votre attention que si, en ce moment de votre vie, tant vous personnellement que l'entreprise que vous représentez, éprouvez une nécessité de changement. Si ce n’est pas le cas, ne perdez pas votre précieux temps, ne le lisez pas.
Cette réflexion s'adresse aux directeurs généraux qui remettent en question le fonctionnement de leurs organisations suite à la crise de valeurs et de conscience que traverse la société. Comme ils le savent, le fonctionnement si rentable, qui a permis à leur entreprise de grandir, a cessé d'être efficace et n’est plus du tout défendable. De fait, de plus en plus de sociologues et d’économistes s’accordent pour dire que ce " vieux paradigme économique " est en voie de disparition et que sa transformation est inéluctable et inévitable.
Nous faisons référence à la vision matérialiste du monde, qui a pour conséquence que les organisations tiennent le capital pour leur Dieu et n’ont comme seul objectif que de gagner toujours plus d’argent. Nous faisons référence à l'analyse mécaniste et utilitariste du travail, dans lequel les chefs traitent leurs collaborateurs comme des machines, en les empêchant de développer leur potentiel. Nous faisons référence à la posture de victime de la vie, qui nous fait souffrir inutilement et ne pas remettre en question nos conditions de travail.
Le principal résultat obtenu, en fonctionnant selon le système de croyances de ce " vieux paradigme économique ", est notre obsession de vouloir posséder (la dimension tangible), obsession qui peu à peu nous a déconnecté de l'être (la dimension intangible). C'est pourquoi nous avons plus de richesses que jamais, mais que nous sommes beaucoup plus pauvres. La preuve en est que notre vide existentiel s'est transformé en maladie contemporaine et le Prozac est devenu la drogue antidépressive au top des ventes.
Nous avons construit une société qui tient sur deux piliers : la consommation et le divertissement. C’est la solution que nous avons trouvé pour traiter au mieux notre insatisfaction, nous fuyant nous-mêmes toujours plus.
Face à cette scène psychologique et économique, il convient de se demander : quel sens a tout ceci ? Jusqu'à quand allons-nous continuer à repousser ce qui est inévitable ? Si en tant que directeur général, vous développez ce type de réflexions philosophiques, sachez que vous n’êtes pas seul. Vous faites partie d'une faible minorité d'exécutifs responsables qui se sont rendus compte qu'il est temps de changer.
Et non pour des raisons morales, mais pour des questions économiques ! Ce qui est en jeu est la survie de l'organisation que vous conduisez.
Nous assistons à l’émergence d’un " nouveau paradigme économique" basé sur les dernières connaissances scientifiques concernant la nature de la réalité et des êtres humains qui la compose. Cette nouvelle manière de comprendre la vie est le "post-matérialisme". Elle propose la vision d’un monde composé d'une part matérielle et d’une autre part immatérielle et qui promeut l'équilibre entre ce que nous avons et ce que nous sommes.
Cette analyse intégratrice propose à l’entreprise d’aligner son légitime souci de profit avec le bien-être de ses travailleurs et le respect de l'environnement. Il encourage aussi les organisations à créer une richesse réelle pour la société, en cessant de voir l'argent comme un objectif en lui-même pour le concevoir comme le résultat de cette contribution.
En parallèle, ce nouveau paradigme économique invite les managers à développer des compétences émotionnelles, de sorte qu'ils apprennent à gérer leurs collaborateurs d'une manière plus constructive et efficace.
Pour que cette nouvelle perspective de la vie soit consolidée, nous devons avant tout faire des changements individuels. Cela consiste à abandonner la position existentielle de victime du contexte pour développer notre responsabilité personnelle. Pour l'obtenir, nous devons comprendre et intérioriser que nous sommes libres de choisir notre attitude face aux circonstances, ainsi que pour prendre les décisions les plus adéquates à chaque moment.
Monsieur le directeur général, si vous avez continué à lire jusqu’ici, nous vous invitons à répondre aux questions suivantes : quel est le niveau de satisfaction de la grande majorité de vos employés ? Comment le middle management gère ses collaborateurs ? Quelles sont les croyances et les valeurs qui constituent la culture organisationnelle de la compagnie que vous dirigez ? Et le plus important : quel impact ont tous ces éléments intangibles sur le compte final de résultats ?
Peut-être tout ceci peut paraître des bonnes paroles creuses, mais sachez qu'émerge là une nouvelle fonction, un nouveau poste de direction : le directeur de culture organisationnelle. Celui-ci est relié au directeur de ressources humaines et il vous reporte directement. Sa mission est d'accompagner l'entreprise dans son processus de changement, en adaptant la fonction et le fonctionnement de la compagnie au " nouveau paradigme économique ".
Entre autres compétences, cet exécutif promeut la " connaissance de soi organisationnelle ", au moyen d'une radiographie étendue de l'entreprise, considérant tant ce qui est tangible que ce qui est intangible. À travers une enquête volontaire et anonyme, tous les individus qui composent la compagnie peuvent librement exprimer leur avis sur leur quotidien au travail et les aspects qui peuvent être améliorés. En parallèle, on effectue aussi des entrevues stratégiques dans les trois niveaux de l'entreprise : haute direction, middle management et le reste de l’entreprise.
Suite à cette recherche, on élabore un dossier sur l'état actuel de la compagnie qui servira de feuille de route pour tracer un plan de " développement organisationnel ". Dans cette phase il est important de soutenir de manière volontaire la croissance personnelle de tous les employés, en renforçant spécialement leur manière de se mettre en rapport et de communiquer, tant horizontalement que verticalement.
Vu la complexité inhérente à ce défi, le directeur de culture organisationnelle se doit non seulement d’être une personne exigente avec son propre " travail intérieur ", mais il doit disposer d’un réseau d'experts dans le cadre du coaching et de l'intelligence émotionnelle.
À son tour, cet exécutif coordonne le développement de la culture organisationnelle, qui est la personnalité de l'entreprise. L'objectif est de détecter quelles sont les croyances qui prédominent dans cette institution, en analysant les résultats des trois niveaux de la compagnie. On permet ainsi d'aligner les valeurs de l'organisation avec ceux des travailleurs. Une fois exécutée, on évalue l’impact qu’a eu ce développement organisationnel, tant au niveau quantitatif (la dimension de l’avoir) que qualitatif (en mesurant la dimension de l'être).
Enfin, et c’est tout aussi important, ce directeur a la mission de promouvoir le " leadership organisationnel ". Après avoir passé par une phase de connaissance de soi puis par une phase de développement, l'entreprise commence à être gérée de manière plus consciente, en alignement avec sa véritable raison de d'être. A partir de ce moment, il est temps de se reconnecter avec une nécessité importante qui est de reformuler la stratégie d'affaire. Ce n'est pas plus qu'un appel à créer de la valeur à travers les valeurs intrinsèquement humaines.
Le directeur général le fait en fonction d'une série de questions dont les réponses indiquent la direction dans laquelle doit s’engager la compagnie :
- A quoi je souhaite que serve mon organisation ?
- Quel sens veux-je que prenne l'entreprise que je dirige ?
- Quel est le legs que nous voulons laisser à la société ?
Grâce à ce processus d’ “apprentissage organisationnel ", l'entreprise cesse de fonctionner par inertie et commence à évoluer de manière consciente. Ainsi elle intériorise la philosophie du changement permanent, ceci lui permettant de se confronter aux défis du futur avec une plus grande efficience et en atteignant ses objectifs : des résultats économiques durables.
Ce processus donne ses fruits dans le moyen terme quand vous, comme directeur général, sentez la nécessité de changement et croyez dans la possibilité de créer une nouvelle manière de conduire votre organisation. Le chemin est long, mais il est tout d’abord question de faire juste le premier pas. Et pour cela, vous devez commencer par vous poser une simple question : « qu’est-ce que je ferais, si j’avais moins peur ? ».
El Pais – Dimanche 04 juillet.
Traduit par Isabelle André
bien !
Rédigé par : dani roman | 14 juillet 2010 à 16:42